Un cimetière à Vienne?
On évoque immanquablement le fameux Zentralfriedhof, le “Cimetière Central”. Rien de choquant, avec une taille proche de celle du Vieux Vienne (deuxième plus grand cimetière d’Europe), et une myriade de noms illustres…
Mais il y a bien d’autres cimetières à Vienne, une cinquantaine en tout. Et un a attiré toute mon attention.
Il est si petit, si peu fréquenté, si peu accessible, et son nom si peu cité. D’ailleurs son nom…c’est “sans noms”…puisqu’on l’appelle le “Friedhof der Namenlosen”, le “Cimetière des sans noms”.
Au “Friedhof der Namenlosen” pas de Beethoven, Schubert, Schnitzler, mais des “Namenlos“, des “Unbekannt“.
Des oubliés rejetés par le Danube.
Au “Friedhof der Namenlosen”, les suicidés aussi ont trouvé une terre pour les accueillir.
Au “Friedhof der Namenlosen” vous trouverez peut-être quelques noms, mais ce ne seront que des petites gens, des apprentis boulangers, maçons, coiffeurs, et ouvriers.
Pas d’illustres, mais des sans-grades qui travaillaient sur le port.
Cette terre d’accueil, pleine d’étrange mélancolie, est perdue aux limites de Vienne dans le quartier de Simmering, et coincée derrière les vieux silos usés de l’ Alberner Hafen (port de l’Albern).
Depuis le milieu du 19ème siècle, près de 500 corps rejetés ont été recueillis ici. Les tumultes du Danube ont continuellement endommagé, et enfin emporté le cimetière. Plusieurs fois restauré, il a finalement été protégé par une digue. En 1940, avec la régulation du Danube, plus aucun corps n’est venu s’échouer, mettant un terme aux inhumations dans le “Friedhof der Namenlosen“. Dans quelques jours, comme tous les premiers dimanches après la Toussaint, aura lieu une étrange cérémonie. Les pêcheurs de l’Alberner viendront fleurir un radeau, y placer un écriteau “Den Opfern der Donau” (Aux victimes du Danube) et aux sons d’une marche funèbre ils le laisseront dériver vers Bratislava, Budapest…