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Quel café au café ?
Revenons aux cafés viennois …
mais si vous m’avez rejoint au ” Café Entropy “, vous ne les avez jamais vraiment quittés.
Poursuivons donc la balade dans la Wiener Kaffeehauskultur.
Observer, lire, écrire, discuter entre amis, jouer, autant d’activités qui vous poussent dans ces lieux et laissent parfois une place marginale à la consommation d’un café.
Marginale, ce qui peut justifier une qualité de boisson pas toujours à la hauteur.
Marginale, mais essentielle car c’est votre droit d’entrée … Deux cafés au plus suffisent, un à l’arrivée, et un autre éventuellement au changement de service, et vous voilà tranquille pour toute la journée.
“Ein Kaffee bitte!” (Un café s’il vous plait!)…
…Client indigne !
C’est là tout le charme.
Tout comme il n’y a pas un Kaffeehaus à Vienne, il n’y a pas un Kaffee à Vienne.
Aux familles de Kaffeehäuser répondent les “Kaffee Variationen”.
Ces variations se jouent du lait et des alcools.
Quand il s’agit de lait, nous avons ses multiples déclinaisons autour de la crème (Obers), de la Chantilly (Schlagobers), et de la mousse (Schaum), avec ou sans houpette (Haube), et parfois signé d’un joli coeur.
D’abord le produit de base, le noir, le Schwarzer, petit ou grand, que l’on allonge avec une même quantité d’eau chaude, c’est le Verlängerter.
Au café noir, ajoutons du lait ou de la crème, servis dans une cruche séparée (Porzellankännchen) permettant son propre dosage, ça brunit, c’est donc le brun, le Brauner, petit ou grand.
Si on prend un noir et une quantité égale de mousse de lait, on couronne alors le roi des cafés viennois, le fameux et savoureux…
“Wiener Melange“
Un mot français prononcé à la française, et féminisé, pour cette boisson si viennoise que certains Salzbourgeois n’en connaissent même pas l’existence (tant pis pour eux).
Et si on se lâche sur le lait et sa mousse, jusqu’à inverser les proportions, soit 2/3 – 1/3, on goutte le “café inversé”, le “Kaffee verkehrt”, servi dans un verre.
Gardons le verre, et si, avec le noir, chantilly et mousse de lait cohabitent en proportions égales, on obtient le Franciscain, le Franziskaner.
Des Franciscains aux Capucins, il suffit d’écarter la mousse de lait et ne laisser qu’un nuage de chantilly, on découvre alors la teinte brunâtre d’une bure de Capucin, c’est le Kapuziner.
Il sera l’ancêtre du fameux…Cappuccino italien.
Quand on a très soif, on peut voir grand, et s’offrir un grand noir avec plein de crème de lait chaud, servi dans une énorme tasse, la Häferl. On a là le Häferlkaffee.
Toujours grand, mais dans un verre, on verse un grand noir, avec une bonne quantité de chantilly, et du sucre glace. Une paille déposée au-dessus semble faire ornement… et bien non, elle sert à puiser le chaud café à travers la froide couche de chantilly. On appelle ça la calèche, le Einspänner. Peut-être parce qu’à l’époque les cochers se réchauffaient les mains contre le verre de café chaud, et pouvaient, en remuant la crème, le faire refroidir.
En souvenir de ce rituel il a pris le nom de café “viennois” hors des frontières.
Avec ce couple chantilly – café noir on peut trouver des mélanges parfois renversants. Par exemple le “précipité”, l “überstürzter Neumann”. Il s’agit de chantilly sur laquelle on renverse…précipitament, un double noir, servi dans une cruche à part.
Laissons crème et mousse de lait pour rhum, cointreau, cognac et diverses liqueurs.
Rendons déjà hommage à la célèbre et incontournable Marie-Thérèse.
Un grand noir avec de la chantilly, on ajoute du cointreau, le tout dans un verre à pied et c’est la Maria Theresia.
Un autre hommage : on remplace le cointreau par la liqueur de cerise, puis quelques graines de pistache, c’est alors le “Mozart Kaffee”.
Pour le dernier grand des Habsbourg, on échange avec du cognac, et de la liqueur de café, avec saupoudrage de cannelle, c’est le “Kaiser Franz Josef Kaffee”.
Avec du rhum, on a le Fiacre, le Fiaker, servi dans une chope.
Et pour terminer en beauté, en l’honneur de celui qui a repoussé les Turcs en 1683, on ne lésine pas sur l’alcool. Un double noir avec du miel, et un petit verre de Vodka à côté. On a le “Kaffee Sobieski”.
Les différents dosages de lait, mousse, crème, et chantilly donnent une grande richesse de teintes au Kaffee.
Friedrich Torberg évoque, dans “Die Tante Jolesch”, un serveur de l’ancien Café Herrenhof à l’entre-deux-guerres qui présentait sa palette de couleurs (Farbpalette) du noir le plus profond au blanc laiteux, pour orienter le choix de son client.
Quelque soit le Kaffeehaus, quelque soit le Kaffee, il sera toujours apporté sur son plateau d’argent (Silbertablett) accompagné de l’indispensable verre d’eau.
Je n’ai jamais vu un seul Kaffeehaus déroger à cette règle.
Beaucoup de raisons ont été avancées à cette traditionnelle union : mise en valeur du goût et de l’arôme, désacidification de l’oesophage, compensation de l’action diurétique du café, diminution de l’irritation de la paroi intestinale, voire élimination du marc de café entre les dents.
Et maintenant, à Vienne, vous ne direz plus…
“Ein Kaffee, bitte !“
ni ne demanderez un café “viennois”.
Bienvenue au ” Café Entropy “
L’atmosphère si particulière des “Wiener Kaffeehäuser”, les Cafés viennois, comment la partager…
Ensemble, avec une jeune écrivaine de Vienne, Barbara Rieger, nous avons pensé marier arabesques et rythmes de sa plume aux ombres et éclats de mes clichés…
Un blog photo-littéraire est né :
” Café Entropy “
Je vous invite à le rejoindre (cliquez ici ou dans la barre du menu)
Première approche du Wiener Kaffeehaus ou Café viennois
Comment aborder un tel sujet?
Plus je passe du temps à Vienne, plus j’en passe dans ces lieux incontournables du savoir-vivre, plus je mesure l’importance de cette tradition : la “Kaffeehaustradition”.
Le “Wiener Kaffeehaus” c’est une part essentielle de l’histoire culturelle viennoise.
Un mot pour exprimer le Café à Vienne, la “Convivialité”. On peut rester des heures dans un café sans être contraint à la consommation, rien que pour s’imprégner d’un cadre, d’une atmosphère, pour prendre le temps, son temps.
Je me souviens du jour où, à peine entré au “Café Korb”, j’interpelle le serveur d’un vigoureux “Eine Melange, bitte !”, et j’entends comme réponse “Kein Stress im Kaffeehaus ! ” (“Pas de stress au café !”).
C’est la “Lebensqualität”.
Le Café était à l’origine considéré comme un deuxième salon pour les Viennois, un “Zweites Heim“. Vivant souvent dans des logements mal chauffés, ils venaient là pour ” étendre leur salon “, recevoir des gens et rencontrer des amis, profiter de la chaleur du poële.
Endroit privilégié aussi pour les personnalités : acteurs, peintres, hommes de lettres, sculpteurs, et politiques ont fait de certains leur quartier général. Beaucoup y ont passé la moitié de leur vie.
C’est un lieu pour l’esprit et l’art, où les idées naissent, et prennent forme.
J’y ai donc aussi élu domicile, et distingué différentes familles :
- Les Grands Classiques & Historiques, les cafés légendaires où ont séjourné tant d’illustres personnages. Ils sont restés dans la tradition malgré un relookage adapté à la clientèle touristique. Mon podium : “Café Museum”, “Café Central”, et “Café Diglas”.
- Les Traditionnels / “Altmodisch”, les vrais Cafés viennois qui ont préservé leur atmosphère d’époque. Mes préférés : “Café Bräunerhof”, “Kaffee Alt Wien”, “Café Anzengruber”, et “Kaffeerestaurant Weidinger”.
- Les Poussiéreux / “Schäbig”, des Tradi qui cherchent à tout prix à choyer leurs signes de vieillissement. Mes chouchous : “Café Jelinek”, “Café Kafka”, et “Café Hawelka”.
- Les Modernes & branchés / “Modern & Szenelokal”, qui se sont mis au goût du jour, attirant un public plutôt jeune et étudiant. Mes préférés, et ils sont nombreux : “Café Drechsler”, “Café Phil”, “Café Florianihof”, “Café Engländer”, “Kleines Café”, “Naber Café”, et “Café Amacord”.
Le Café, c’est un véritable art de vivre, qui a ses règles et ses codes, et tels des signatures ils attestent son authenticité :
- Le verre d’eau (Glas Wasser) sur son plateau d’argent (Silbertablett) : incontournable ! La cuillère est posée sur le verre, sinon sur la sous-tasse. Le sucre est déjà sur la table, sinon sur le plateau. La tradition veut que régulièrement le Kellner, ou l’ Ober, vienne apporter un nouveau verre.
- La vitrine aux pâtisseries (Kuchenvitrine) : incontournable…et délectable. On ne choisit pas sur la carte, on montre du doigt la “chose” appétissante derrière la vitre.
- Les journaux (Tageszeitungen & Magazine) présentés sur table (Zeitungstischchen) ou accrochés, avec leur tringle. En fonction du type de Café, l’offre journaux est adaptée à sa clientèle.
- La table de billard (Billardtisch), les jeux de cartes (Kartenspielen), ou les échecs (Schachspiel). Au “Café Sperl” les queues de billard voltigent allègrement entre les tables.
- Le piano (Klavier), avec parfois son pianiste comme au “Café Central”, sinon rangé dans un coin, voire abandonné au fond de la salle. Au “Café Bräunerhof”, un trio orchestral “violon-violoncelle-piano” joue.
- Le poêle (Ofen): la marque des “Schäbig” comme au ” Café Jelinek “. J’attends avec impatience les premiers frimas pour voir leur éveil.
- La table en marbre (Marmortisch) avec la fameuse chaise Thonet (Thonetstuhl) surtout pour les classiques et traditionnels.
- L’ horloge (Uhr), monumentale dans les grands classiques, arrêtée dans les “Schäbig“, parfois fantaisiste comme au “Café Diglas”
- La disposition en loges (Loge), sous les fenêtres, donne un côté cosy.
- Le lustre en cristal (Kristallluster) en accord avec l’importance du Café, et les appliques murales.
- Le sas de double portes à l’entrée, préservant du froid hiver, avec souvent le rideau (Vorhang).
- Le serveur, Kellner ou Ober, est l’acteur des lieux, il joue un rôle déterminant dans la qualité du Café. Son aisance, son habileté et son discernement lui permettent d’intervenir au bon moment pour anticiper tout souhait du client, un maître !
Le “Noch einen Wunsch ?” (“encore un souhait ?”) ponctue délicieusement mes après-midi studieuses.
Et oui, studieuses, car mes cours d’allemand se déroulent aussi dans un “Schäbig“, ou un “Szenelokal“, plus propices à mes progrès fulgurants en Deutsche Sprache.
J’ai donc interrogé Barbara, ma prof, sur ses raisons de fréquenter assidûment les Cafés.
“Warum gehen Sie ins Kaffeehaus, Barbara ?”
Elle me répond :
1/ beobachten, observer
2/ lesen, lire
3/ schreiben, écrire
4/ Kaffee trinken, boire du café
5/ Wurst oder Altwiener Suppentopf essen, manger une saucisse ou une soupe à la mode ancienne de Vienne
6/ Bekannte treffen, rencontrer des connaissances
Et de conclure…
“Alain, wir müssen ein Buch über Kaffeehäuser schreiben”
“Alain, nous devons écrire un livre sur les Cafés viennois”
Depuis le 10 novembre 2011 la “Wiener Kaffeehauskultur” est inscrite au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO.
Jean, mets le jardin dehors !
Une tradition bien viennoise veut qu’au printemps tout café, bar ou restaurant se mette au grand air.
S’il n’a pas toujours la chance d’avoir son Innenhof (cour intérieure), il prend ses aises sur le trottoir, la place ou le parking, voire la rue. On en découvre de toutes sortes, au gré de la fantaisie du patron. Chaises, fauteuils, tables, parasols ou bâches, estrades et bacs à fleurs donnent des configurations parfois originales et colorées sur la chaussée.
Ces terrasses improvisées s’appellent “Schanigarten“, à la différence du classique “Gastgarten” ils piétinnent sans gêne l’espace public.
Ce sont de véritables lieux de détente, Viennois et touristes aiment à s’attarder dans ces ilots de verdure pour boire et manger un Melange avec son Apfelstrudel, une Ottakringer avec sa Sacherwurst, tout en regardant les passants.
Du simple bar au restaurant le plus haut de gamme, en passant par l’incontournable café viennois, tout le monde fait son jardin. On trouve même quelques Würstelstände, les fameux stands à saucisses, qui n’hésitent pas à sortir une ou deux chaises pour faire leur Schani.
La saison s’étend du 1er mars au 15 novembre. Elle est lancée lors du traditionnel point presse qui réunit le maire et les représentants de la chambre de commerce, chaque année dans un Lokal différent.
1800 “Schanigärten” parsèment ainsi les rues viennoises.
Mais d’où vient cette tradition ?
Il y a comme toujours plusieurs versions, mais ce qui est sûr c’est que Schani est le diminutif viennois de Johann (Jean en Français). L’interprétation officielle fait référence au premier propriétaire, Johann Jakob Tarone, qui a eu l’idée et l’autorisation d’installer son jardin sur le Graben, vers 1750. Son prénom aurait été attribué à ce lieu. Mais je préfère la légende née de l’ordre donné par un patron à son garçon de café. Comme tous les serveurs et domestiques s’appelaient à l’époque Jean, les clients entendaient: “Schani, trag den Garten außi” (“Jean, mets le jardin dehors!”). Schani sortait alors chaises, tables et pots de fleurs, formant ainsi le Schani-Garten.
Chaque année est lancé le concours du plus beau Schanigarten.
Je ne vais pas vous donner le résultat, mais mon classement personnel :
- Le Mill (à Mariahilf), dans la catégorie des Schani cachés, cadre champêtre, idéal pour les brunchs.
- Le Cuadro (à Margareten) : cour très agréable, un arbre et une petite fontaine. Müsli, Burger, Wok, c’est délicieux.
- L’Amerling Beisl (à Neubau) : lieu alternatif de Spittelberg, sous la treille
- La Kunsthalle Wien du MQ (Museumsquartier) : sofas blancs, idéalement placée avec vue sur l’esplanade du MQ. Plats raffinés, les limonades vertes et roses sont fameuses (au gingembre).
Sans le Schanigarten, Vienne ne serait pas Vienne
Café Phil, ” Wie Zuhause ? “
Au Naber Kaffee
Avant de partir je n’ai pu refaire mon passeport,
les délais à Paris étant vraiment trop longs.
Il ne me restait donc plus que le Consulat de France à Vienne.
Le tout est réglé ce matin en 14 mn (avec la prise de photo) !
C’est vrai qu’il y a moins de Français à Vienne qu’en France…
Mais cette visite a été l’occasion de découvrir un nouveau café,
juste en face dans la Wipplinger Strasse : le Naber Kaffee.
Quelle surprise dans l’aménagement de ce petit café très discret,
avec ses tuyaux au plafond qui courent sans gêne
(en fait, décor de pas mal d’établissements Viennois).
Quelques clichés de mon iPhone pour témoigner, et promis,
je vous parlerai bientôt de mes belles rencontres avec ces Cafés Viennois.